Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Seirever
11 juin 2010

Paroles de celui que les colonels ne connaissaient pas

PAROLES DE CELUI QUE LES COLONELS NE CONNAISSAIENT PAS

 

Dans la vie il m’arrive souvent des merdes. Je ne parles pas de ces petites embrouilles qui ne manquent pas de pimenter allégrement la vie humaine… Non, c’est plutôt à ces grosses emmerdes qui vous tombent sur la face. De celles qui vous laissent plus sonné qu’un obus de 46… Je dis « obus de 46 » mais je ne sais même pas si ça existe, cette taille d’obus. Je ne sais rien du tout. Tout ce que je sais, c’est qu’actuellement, j’en ai, des obus, qui me tombent sur le coin de la gueule, mais je n’ai pas vraiment l’occasion de regarder sur le dos de l’emballage leur taille, voire de leur demander… Je reste plutôt bien planquée derrière mon muret, en priant très très fort pour qu’il soit assez résistant. Ca ne doit pas être du très gros, ce qui me tombe sur la gueule, parce que ceux qui nous tirent dessus, ils le font au mortier, et ça tire pas non plus des bombe H, un mortier.

Je devrais faire quoi ? Je ne sais pas. Mon escouade, elle est plus là. Enfin si elle est là… Ici est là, plutôt. Le sergent, c’était un mec vraiment sympa. Quand Mike est tombé, un peu plus loin, à découvert, sur la route, le sergent il a pas hésité une seconde à s’élancer pour le récupérer. Là, ils sont morts tout les deux parce que l’obus non plus, ils ont pas hésités une seconde à aller à leur rencontre.

L’armée est très organisée, vous savez… Y a des chefs, qui donnent des ordres à des sous chef, qui donnent des ordres à des sous sous chefs, et ainsi de suite. Ce qui fait qu’un ordre passe par une bonne quinzaine d’officiers avant d’arriver au troufion de base, et de se réaliser dans les faits. « Se réaliser dans les faits », en langage militaire, ça veut dire « passer à l’épreuve du feu ». Ca arrive une minute environ avant l’expression « mort au champ d’honneur »…

Les mortiers ont arrêtés de tirer maintenant… Il ne reste que le silence. Ca fait plaisir, le silence, parfois. Jack a arrêté de pleurer et il est tout à fait mort maintenant. Je suis tout seul derrière mon muret. Ce n’est pas vraiment un muret, en fait, c’est plutôt une fontaine. C’est pour ça que ça m’étonne que les mortiers arrêtent de tirer. On pourrait m’aligner comme on veut, avec ces engins. Peut être qu’ils n’ont plus de munitions ? Je vais jeter un coup d’œil pour voir.

Mauvaise idée. La balle a sifflé juste devant moi, et a ricoché sur la pierre. Ils n’ont peut être plus de mortiers, mais ils ont des gars qui savent tirer… Un sniper, peut être ?  Sniper… Ca c’est un boulot cool… Enfin je veux dire, on y aligne des gars sans défense, sans avoir de chance d’être tué soi-même… C’est comme artilleur… Moi j’aurais voulu bosser là dedans. Ou alors servir des cafés aux colonels. Mais pas troufions. Manque de bol, je suis troufion. Et tout porte à croire que l’on ne va pas tarder à parler de moi au passé.

Ca m’embête plutôt, de savoir que je vais mourir bientôt. J’ai une petite famille en préparation, moi. On est quel jour là ? En tout cas, on est en septembre… Bon, ça veut dire que d’ici deux, trois mois va y avoir un p’tit gars ou une p’tite fille qui va pointer le bout de son nez, et moi, j’aurais bien aimé être là pour le voir.

Que plus personne ne me demande de défendre la liberté. On ne défends pas la liberté en chargeant à la baïonnette des types qu’on ne connaît pas, qui ne nous connaissent pas, et qui ne vous tirent dessus avec des mortiers que parce que des vieux colonels qui ne vous connaissent pas non plus leur ont dit de vous tirer dessus avec des mortiers.

Je crève de douleur. J’ai plus d’épaule, je crois. J’ose même pas regarder. Ils ont finis par me toucher, ces enfoirés. Putain, pourquoi je pourrais pas juste me lever, leur dire « salut » dans leur langue, puis on irait boire une bière, et chacun rentrerait chez soi ? Mais non, si je lève d’un centimètre la tête, un morceau de métal me traversera la tête, des yeux aux crânes.

J’en ai marre de toutes ces conneries…

 

De toutes façons, je ne vais pas pouvoir rester ici bien longtemps…

 

Et merde.

Publicité
Publicité
Commentaires
Les Seirever
Publicité
Publicité